Ce n'est qu'à dater du XVIe siècle que ce mot fut introduit dans le langage des architectes. Mais si le mot n'existait pas pendant le moyen âge, en français, on possédait l'ordonnance. On disait porche, si le portique avait peu d'étendue et se présentait devant l'entrée d'un édifice; cloistre, s'il entourait une cour; piliers, s'il se développait devant des façades de maisons ou de palais sur la voie publique ou sur un préau. Grégoire de Tours parle de portiques de bois peints de couleurs éclatantes qui entouraient les cours des palais mérovingiens.
Les vignettes des manuscrits des IXe et Xe siècles montrent assez fréquemment des portiques composés de colonnes avec arcades que l'on fermait au moyen de draperies: on en voit de figurées dans la tapisserie de Bayeux. Toutefois il ne paraît pas que pendant le moyen âge on ait élevé, comme pendant l'antiquité grecque et romaine, des portiques uniquement destinés à servir de promenoirs et d'abri aux habitants d'une cité. Ils faisaient toujours partie d'un édifice, se développaient sous des maisons, sur la voie publique, ou s'ouvraient sur les cours des établissements monastiques et des palais.
Ce qui distingue le portique du cloître proprement dit, c'est que le premier est une galerie couverte présentant une seule face, tandis que le cloître entoure complètement une cour au moyen de quatre galeries desservant des bâtiments plantés d'équerre. Quant aux dispositions de détail de ces portiques, elles rappellent celles adoptées pour les cloîtres. Ce sont de simples piliers portant un appentis ou des poitrails, et soutenant alors des étages supérieurs, ou bien des arcades reposant sur des colonnes; des pieds-droits; et donnant un couvert lambrissé ou voûté. Le palais épiscopal de Laon présente ainsi, du côté de la cathédrale, un beau portique du commencement du XIIIe siècle, composé de piliers cylindriques supportant des arcs en tiers-point avec plafond lambrissé.
Les arcades de ce portique ont été malheureusement remaniées au XIVe siècle; il en reste une seule intacte, formant l'extrémité de la galerie du côté de l'ouest: c'est celle que nous présentons ici (fig. 1). Il existait au Palais de Paris de beaux portiques voûtés donnant autrefois sur trois côtés d'un préau, et formant ainsi une sorte de cloître. Avant la construction de l'Hôtel de ville actuel de Paris, les bourgeois de la Cité se réunissaient dans des maisons situées sur la place de Grève, et désignées sous le nom de maisons aux piliers, parce qu'elles laissaient à rez-de-chaussée, sur la voie publique, un portique composé de piles de pierre supportant des poitrails avec étages supérieurs. On disait aussi les piliers des halles de Paris, pour désigner les portiques pratiqués dans les maisons entourant la place du marché et qui servaient d'abri aux acheteurs. Beaucoup de villes du moyen âge avaient leurs maisons bâties sur des portiques mais ceux-ci ne présentaient jamais une architecture uniforme, chacun disposait son portique comme bon lui semblait: ce qui donnait à ces allées couvertes un aspect des plus pittoresques. On voyait encore à Luxeuil, il y a peu d'années, une rue entièrement percée d'après ce système, d'un aspect original, plaisant par la variété.
Les hôtels, pendant le moyen âge, possédaient souvent des portiques intérieurs qui servaient d'abri aux personnes attendant d'être introduites dans les appartements, sous lesquels se tenaient les valets, et où parfois on attachait les chevaux pendant les visites des maîtres. Ces portiques n'étaient qu'une galerie devant un mur; car, dans notre climat, on n'établissait pas des portiques entièrement ouverts, comme cela s'est pratiqué en Italie. On devait éviter les courants d'air. Ces portiques de nos vieux hôtels sont profonds, relativement à leur hauteur, et fermés à leurs extrémités.
L'hôtel de la Trémoille à Paris (hôtel dont il ne reste plus que des débris déposés à l'École des Beaux-Arts) contenait un charmant portique adossé à la façade donnant sur la rue des Bourdonnais. Ce portique était voûté et construit avec une hardiesse extraordinaire. Exposé au sud-ouest, il était fermé par les bouts et surmonté d'une galerie. De la porte charretière, donnant sur la rue, on ne pouvait pénétrer directement sous le portique; il fallait d'abord entrer dans la cour. Cette disposition, que nous voyons adoptée quelques années plus tôt dans l'hôtel de Jacques Cœur, était bonne en ce qu'elle permettait aux personnes se promenant sous les portiques de n'être pas interrompues par les arrivants ou sortants, et de ne point être incommodées par les courants d'air si fréquents dans nos portiques prétendus classiques. Les seigneurs et bourgeois du moyen âge ne pensaient pas qu'un rhume valût une ordonnance monumentale imitée des Grecs ou des Romains. Pour eux, un portique était une galerie ouverte sur une seule face, profonde, relativement peu élevée, fermée au moins à l'une de ses extrémités, se retournant parfois pour profiter d'une orientation favorable. C'est ainsi qu'au château de Pierrefonds, le long de la grande salle, il existait un portique bas, entresolé, fermé aux extrémités, orienté à l'est, et donnant ainsi, en toute saison, un promenoir couvert bien abrité contre les mauvais vents, parfaitement sec et sain, vitré à l'entresol, et fournissant, dans toute la longueur de la grande salle du rez-de-chaussée, un balcon fermé s'ouvrant sur cette salle.