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 [Contes] Le géant Rainouart

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Valdoise Châtillon

Valdoise Châtillon


Messages : 713
Date d'inscription : 12/05/2008
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MessageSujet: [Contes] Le géant Rainouart   [Contes] Le géant Rainouart EmptySam 22 Aoû - 18:56

Si vous désirez rencontrer Rainouart, allez donc à Laon, dans les cuisines du roi Louis, le fils de Charlemagne. Habits poisseux et pieds nus, notre héros y entretient le feu sous les chaudrons et, malgré la fumée, vous verrez, à son teint, qu'il est d'origine sarrasine. Vous serez, sans doute, surpris de sa stature : un géant de quinze ans, capable de transporter sur ses vastes épaules une pleine charretée de jambons, mais quelque peu abruti par les mauvais traitements que lui ont fait subir les maîtres queux. Ne lui a-t-on pas rasé la tête. Ne lui lance-t-on pas des torchons au visage à longueur de journée.

Un jour, pourtant, las de servir de souffre-douleur, le placide géant se fâche et dit à ses tourmenteurs:

- Laissez-moi donc en paix ou.je ferai payer cher votre méchanceté au premier d'entre vous qui me tombe sous la main! Me prenez-vous donc pour un fou?

- Voilà bien parlé, dit un cuisinier. Rainouart, mon ami, je vais tout de go suivre ton conseil!

Et il lui applique sur le haut de la tête une telle claque que les lieux en retentissent.

- Tu exagères, dit Rainouart!

Et ce disant, il empoigne le mauvais plaisant, le fait tourner trois fois sur lui-même et le lâche au quatrième tour. Le crâne de la malheureuse girouette frappe un pilier avec une telle force que les yeux lui giclent des orbites et que la cervelle se répand à terre.

On se rue sur le meurtrier pour l'assommer à coups de bâtons, et le roi alerté demande qu'on le chasse des cuisines. Rainouart réussit à se réfugier dans une encoignure, saisit la perche sur laquelle il portait les seaux d'eau et jure de faire sauter la tête au premier qui s'avancera! Or, celui qui paraît sur la porte est le comte Guillaume d'Orange au nez courbé. Ne vient-il pas, justement, d'obtenir du roi qu'il lui remette ce personnage encombrant en gage d'amitié? Et le voilà qui vient prendre livraison de ce nouveau valet.

Trop heureux de se placer sous sa protection, Rainouart dit au comte:

- Monseigneur Guillaume, je sais bien cuire un dîner, frire un poisson ou tourner une volaille à la broche. Mais je ne veux plus végéter dans les cuisines et ne pense qu'à me battre. Je veux vous suivre à la bataille!

- Je te vois rudement bâti, reprend le prince. Mais supporteras-tu les grandes fatigues, les veilles de nuit, les jours sans nourriture? Dans ta cuisine, tu te trouvais au chaud, tu mangeais souvent, tu goûtais aux sauces, tu dormais à ton heure. Crois-moi, avant un mois, tu seras dégoûté de la vie que mènent les combattants.

- Sire, laissez-moi faire l'essai de la bataille. On m'a trop souvent traité d'idiot! Si vous m'en donnez l'ordre, j'irai même me battre seul contre les sarrasins, sans autre arme qu'une massue que je ferai garnir de fer.

- Puisque tu y tiens, soit!dit le prince.

Au comble de la joie, Rainouart va chercher un charpentier, lui fait abattre un sapin de quinze pieds, l'ébranche, l'écorce, le porte chez un forgeron et le fait garnir de bandes de fer. Tous ceux qui le rencontrent au sortir de la forge se signent d'épouvante. Surpris, Rainouart leur dit:

- N'ayez pas peur mais ne vous moquez plus de moi et surtout ne cherchez pas à me voler ma massue; il pourrait vous en cuire!

Puis, s'adressant au comte:

- Sire Guillaume, me voici armé pour vous servir. Il est grand temps d'être de l'autre côté de la montagne car les sarrasins vont assiéger Orange, votre bonne cité.

- Que tout le monde soit prêt à marcher à l'aube! ordonne le seigneur.

Aussitôt, de toutes parts, on tire les hauberts de leurs housses, on fourbit les heaumes et les épées, on place les pennons aux lances. Au cours de la soirée, un banquet d'adieu réunit au palais royal la cohorte des chevaliers, on échange des cadeaux et on vide force coupes de vin. Rainouart, quant à lui, s'endort dans les communs ivre-mort et tandis qu'il gît gorgé de vin, quatre écuyers farceurs unissent leurs forces pour lui dérober sa massue et la cacher sous un tas de fumier.

A son réveil, le géant s'aperçoit que l'armée s'est déjà mise en route; il saute sur ses pieds tout effaré et court à demi vêtu aux trousses des traînards. Il est si pressé qu'il en oublie sa massue. Alors qu'il vient de franchir une rivière, la fraîcheur de l'eau le dessoûle et il se rend compte qu'il part au combat les mains vides. Il s'en retourne donc à Laon et, sur son chemin, s'arme d'un levier qu'il arrache à un pressoir.

Or, sur son chemin, il trouve une abbaye où les moines fêtent la SaintVincent. La communauté se réjouit du banquet qui doit clôturer la journée et, dans les cuisines, mijotent déjà viandes, pâtés, rissoles et poissons. Au moment où Rainouart, narines curieuses, s'y présente, le maître queux est en train de piler de l'ail dans un mortier. Le portier, un petit bossu à longue barbe blanche, veut arrêter le géant qu'il prend pour un diable échappé de l'enfer.

- Portier, s'écrie l'inconnu, j'ai grand-faim et je respire des fumets qui me l'aiguisent. Mène-moi au cuisinier, sinon je te brise les reins avec ce levier.

- Dieu du ciel, ne me touchez pas et suivez-moi, dit le bossu en boitillant.

Rainouart, qui a déjà oublié le comte et ses batailles, s'écrie en entrant:

- Que ce maître queux est habile à manier le pilon! S'il me voulait à ses côtés, je pourrais le servir car je sais écorcher une anguille, tailler une bûche, faire le feu, hacher le poireau, fourrer les rissoles et gare aux moinillons qui viendraient nous distribuer leurs conseils ou leurs horions!

Le cuisinier, surpris de la stature de cet intrus bizarrement accoutré, lui dit:

- Je n'ai que faire d'un ribaud qui m'aborde pour se moquer de mon art! Passe ton chemin, cyclope ! Et toi, maudit portier, pourquoi ne pas lui avoir verrouillé ta porte?

Et empoignant une grosse louche, il lui en assène un coup sur son crâne tonsuré. Saisi de colère, Rainouart attrape le cuisinier par son fond de chausse et le jette dans le feu d'une telle force que les braises le recouvrent, le faisant rissoler comme un cochon. Puis, devant les marmitons médusés, il commence par calmer sa fringale en arrachant deux volailles à la broche; il les plonge dans le mortier plein d'ail pilé et les dévore incontinent. Peu lui chaut que les moines se serrent la ceinture, ces affamés qui commencent à s'agiter au réfectoire. Il s'y rend et trouvant un tonneau qui vient d'être mis en perce s'en emplit force pots de vin, non sans avoir écrasé le moinesommelier contre un pilier. Effrayés, les convives tirent leur bure sur les genoux et s'enfuient. Une fois seul, il continue à se gorger de vin et lorsque sa soif est largement étanchée, il s'en va. Or, quel n'est pas son étonnement de trouver à l'entrée un attroupement de pauvres diables qui attendaient les reliefs de la table conventuelle.

- Par Dieu, s'écrie-t-il plein de pitié subite, qu'on serve immédiatement ces crève-la-faim!

Aidé du portier médusé, il se met à rafler dans les cuisines tous les mets préparés et régale à plein gosier ces affamés.

- Que Dieu bénisse cet aumônier, s'écrient les mendiants, heureux participants à ce festin que la Providence leur a si miraculeusement préparé.

Pourtant, Rainouart se dit soudain qu'il n'a pas retrouvé sa massue. Il reprend donc sa route vers Laon. Arrivé en la ville, couvert de poussière, il fouille en vain tous les recoins des cuisines et ce n'est que quand il pénètre dans les communs qu'il y trouve les quatre écuyers farceurs. Ceux-ci jurent par tous les saints qu'ils ignorent tout de cette disparition.

- Vous me l'avez volée, j'en suis sûr, gémit Rainouart. Rendez-la moi, ou vous me la payerez cher! Oui, je vous vois bien sourire! Vous n'êtes que de misérables larrons!

Et avant qu'ils n'aient pu esquisser un geste, il les empoigne tous les quatre par les bras et les agite si durement qu'ils s'entrechoquent comme battants de cloches. L'un d'entre eux finit par dire:

- Sire Rainouart, ayez pitié! Par Saint Thomas, votre massue vous sera rendue. Je vais la chercher!

- N'en fais rien, morveux! Tu ne pourrais même pas la soulever. Conduismoi à l'endroit où vous l'avez cachée!

Il le charge sur ses larges épaules comme il l'aurait fait d'un fagot, se fait conduire à l'étable où, écartant le fumier, il découvre sa massue.

- Allons, canailles, sortez-moi ce tronc de ces saletés et lavez-le avant que je ne vous étrangle!

Hélas! Ils ont beau tirer de toutes leurs forces, déjà terriblement mises à l'épreuve, ils n'arrivent pas même à le remuer.

- Allez, ouste, mauviettes! s'écrie le géant, et empoignant la massue aussi aisément qu'une branchette d'olivier, il sort de l'étable en chantonnant.
C'est ainsi que Rainouart, à grandes enjambées, s'en va rejoindre l'armée du comte Guillaume.

[Source: http://forum.lesroyaumes.com/viewtopic.php?t=176585&postdays=0&post…]
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