Bibliothèque du Monde
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Bibliothèque du Monde

Ici se trouve la plus grande bibliothèque des Royaumes Renaissants...
 
AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le deal à ne pas rater :
Réassort du coffret Pokémon 151 Électhor-ex : où l’acheter ?
Voir le deal

 

 [Contes] Mélusine

Aller en bas 
AuteurMessage
Valdoise Châtillon

Valdoise Châtillon


Messages : 713
Date d'inscription : 12/05/2008
Age : 31
Localisation : RP: au cieux

[Contes] Mélusine Empty
MessageSujet: [Contes] Mélusine   [Contes] Mélusine EmptySam 22 Aoû - 18:58

Fatalité!!!!

L'épieu glisse sur le cuir du monstrueux sanglier et, dévié, s'enfonce dans le ventre du vieux comte: Raymondin vient de tuer son bienfaiteur, le comte Aymeri de Poitiers. Accablé d'une telle infortune, le jeune chevalier se laisse emporter au galop de son palefroi à travers l'immense forêt, les yeux secs, hagards, vides, fixés droit devant lui. Comment s'apercevrait-il du soir qui descend, des ombres qui traînent sous les frondaisons? Tel un spectre froid, il laisse sa monture errer au gré des sentes, sauter les fossés, franchir les ravins et seules les branches lui fouettant le visage ramènent quelque couleur à ses joues...

Fatalité!!! Il est minuit lorsqu'il arrive à la fontaine aux Fées que la clarté lunaire lui fait soudain découvrir. Le regard égaré toujours, comment y discernerait-il la présence de trois créatures féminines assises immobiles sur ses bords? Soudain, un écart du cheval et une main blanche qui se saisit de la sienne le tirent de son cauchemar. Une voix d'une pureté insolite frappe son oreille:

- Holà! rustre, depuis quand passe-t-on devant des dames sans même leur faire la grâce d'un salut?

Puis devant le silence du cavalier:

- Etes-vous muet? Etes-vous sourd? Dormez-vous? L'orgueil vous a-t-il fait perdre le sens?

Raymondin se sent perdu. Serait-il agressé par le vengeur du vieux comte? Va-t-il être arrêté par ses sbires? Il va tirer son épée lorsque son regard rencontre des yeux qui le foudroient... Malgré le flou de la nuit, leur flamme force les siens à s'ouvrir tout grands, à les abaisser vers cette créature de rêve, belle à émouvoir le plus sage des chevaliers.

Il saute de sa monture, s'incline devant la Dame Blanche et la prie de lui pardonner l'irrévérence de tout à l'heure.

- Si je ne vous ai vue, c'est que mes sens étaient pris tout entiers dans les lacs d'une sombre affaire!

- je vous crois, chevalier, mais où allez-vous à cette heure?

- Le saurais-je même? Voici longtemps déjà que j'ai perdu ma route!

Et la voix sibylline reprend:

- Raymondin! Inutile de me cacher votre secret, je le connais! Et je sais le tourment qui vous poigne. Ne venez-vous pas de causer la mort de votre oncle, le vieux chasseur?

A ces mots, Raymondin baisse la tête, rempli d'effroi et de honte et tandis qu'il s'interroge sur cet être étrange, la voix continue:

- Je suis la fille du Destin qui a voulu cette rencontre et vous m’appellerez Mélusine. Si vous vous engagez à m'écouter, vous n'aurez plus à fuir puisque vous n'êtes nullement coupable de crime. je vois, vous me croyez née d'une sorcière! Nullement! Du ventre d'une femme bien humaine, comme vous-même! Allons, ressaisissez-vous! Avec le secours de Dieu, je vais vous sortir de ce mauvais pas, vous faire oublier le drame, vous procurer richesses et puissance en ce monde.

Lui qui sent déjà sur son cou la hache du bourreau ne saurait guère hésiter dans sa réponse:

- Mélusine, me dites-vous! je m'en remets à votre gré. A partir de cet instant, je m'engage à n'agir que selon votre volonté.

- Pour sceller notre pacte, reprend la fée, vous allez me prendre pour femme et vous promets de me montrer avec vous l'épouse fidèle que votre coeur a, toujours désirée. Mais, prenez garde, vous allez me jurer sur l'honneur de ne jamais chercher à m'approcher, en quelque circonstance que ce soit, chaque samedi de notre vie conjugale. Vous m'effacerez, ce jour-là, de votre mémoire et le dimanche, nous nous retrouverons toujours avec un plaisir nouveau!

- Je vous le jure!

S'étant approchée, la fée lui remet deux bagues magiques qui l'éloigneront de tout enchantement maléfique : l'une le protègera de la mort violente lors de la conquête de son patrimoine, l'autre lui inspirera, lors des tournois, la manoeuvre qui lui assurera la victoire...

Et la légende nous dit qu'ils ont été heureux, très heureux, très longtemps:
Raymondin allant de conquête en conquête, Mélusine, durant ses absences, peuplant sa cour de gentes dames, de nobles courtisans, fondant des monastères, bâtissant des forteresses et patronnant des églises. La maison de Lusignan, la leur, devient la plus puissante du royaume et les héritiers s'annoncent d'année en année... Hélas! Fatalité toujours, ne portent-ils pas tous quelque tare congénitale? Urian a des yeux de couleur différente, Eudes se trouve avec deux oreilles de longueur différente, Guion a un oeil plus bas que l'autre, Antoine voit sa joue gauche recouverte d'une patte de lion velue, Renaud n'a qu'un oeil, Horrible en a trois, Geoffroi est défiguré par une dent longue de plusieurs centimètres, Fromont, enfin, a son nez recouvert d'une toison.

Ces tares inexplicables, ces samedis passés dans la solitude finissent par semer le trouble dans l'esprit de Raymondin. Malgré son serment, il se fait inquisiteur. Mélusine, son Aimée, expierait-elle quelque forfait? Et son jeune frère, le comte de Forez, qui s'inquiète de l'absence de sa belle-soeur! De certains bruits qui courent! Ces disparitions soudaines, cacheraient-elles quelque aventure galante?

- Où est Mélusine, que fait-elle?

Le soupçon instille son venin dans l'âme du chevalier, le harpon de la jalousie lui déchire les entrailles. Quitter sa cour lui devient un supplice et ne le voit-on pas interrompre, tout soudain, sans raison, une chevauchée victorieuse pour rentrer à brides abattues en son bourg de Lusignan?

Fatalité, Raymondin veut savoir... Et le voici, tel un vulgaire malandrin, qui entaille de la pointe de son épée la lourde porte de chêne derrière laquelle a disparu Mélusine. Avec des tremblements dans le geste, il en glisse la lame entre deux madriers, la vrille tant et tant de fois qu'un trou est percé qui lui permet de voir. Enfin, voir! Il plaque son oeil à l'ouverture et, médusé, découvre en une énorme cuve transparente un être étrange et nu qui s'ébat dans l'eau. La chevelure défaite sur les épaules, les seins proéminents, c'est bien sa Mélusine jusqu'à la taille mais, à partir du ventre, les jambes se trouvent remplacées par une longue queue dont elle n'arrête pas de battre la surface de l'eau! Femme-serpent? Sirène? Raymondin est pris d'un tel désarroi que ses doigts peinent à boucher le trou complice d'un peu de cire. Ayant chassé son frère, l'instigateur, il regagne sa chambre en titubant et s'écroule sur son lit en proie à une fièvre soudaine qui le fait délirer. C'est là que Mélusine le découvre au matin du dimanche.

- Je sais, Raymondin, que tu t'es rendu parjure, que tu as découvert mon secret. De grands malheurs pourraient naître de ta trahison, mais tant que personne n'en saura rien, je te pardonne au nom de l'amour qui nous lie.

Et laissant tomber ses vêtements, nue, elle se glisse auprès de lui pour lui prouver qu'elle est toujours sa femme... Est-le bonheur retrouvé? Hélas, le Destin doit poursuivre son oeuvre car le chevalier ignore que sa singulière épouse est une parricide tombée sous la loi des fées, condamnée à subir ce charme maléfique qui la transforme en femme-serpent jusqu'au jour où la vie lui accordera le mari discret et confiant qu'il n'a pas été lui-même. En vain, donc, lui a-t-elle accordé son pardon! A peine ont-ils retrouvé le cercle de leurs familiers que les mauvaises nouvelles affluent. Leur fils Horrible n'a-t-il pas fait mourir ses nourrices en leur mordant le sein? Geoffroi n'a-t-il pas enseveli son frère Fromont, le moine, sous les ruines de son abbaye? Tant de malheurs ajoutés à la terrible découverte poussent inexorablement Raymondin à la folie. Face aux gens de cette cour brillante due aux charmes de Mélusine, il clame en forcené que sa femme-monstre a enfanté des créatures diaboliques décelables aux difformités de leur visage, que son existence secrète n'a été qu'une impossible chimère vide de bonheur...

Durant quelques instants, toute vie semble suspendue au-dessus de Lusignan. Mélusine tombe pâmée aux pieds de son époux et lorsqu'elle reprend ses sens, elle n'est plus que la fée qui doit subir la terrible infortune liée à sa condition. Dans un élan imprévisible, elle saute sur le rebord d'une fenêtre et, redevenue subitement la femme-serpent, elle s'envole dans les airs, disparaissant à tout jamais aux yeux de son mari et de ses familiers médusés.


[Source: http://forum.lesroyaumes.com/viewtopic.php?t=176585&postdays=0&post…]
Revenir en haut Aller en bas
https://bibliothequerrs.forumsactifs.com/index.htm
 
[Contes] Mélusine
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» [Contes] L'or de Minuit
» [Contes] L'enfant de neige

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Bibliothèque du Monde :: La Bibliothèque :: Ouvrages de contes et merveille-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser