Bibliothèque du Monde
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Bibliothèque du Monde

Ici se trouve la plus grande bibliothèque des Royaumes Renaissants...
 
AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal

 

 [Contes] La croix catelan

Aller en bas 
AuteurMessage
Valdoise Châtillon

Valdoise Châtillon


Messages : 713
Date d'inscription : 12/05/2008
Age : 31
Localisation : RP: au cieux

[Contes] La croix catelan Empty
MessageSujet: [Contes] La croix catelan   [Contes] La croix catelan EmptySam 22 Aoû - 18:47

La croix Catelan

[Contes] La croix catelan Croix_catelan

Dans l’Ile de la Cité, exactement à l’emplacement qu’occupe actuellement le Palais de Justice, s’élevait jadis le palais des rois de France. Ses grandes salles voûtées, dont certaines existent encore, ses chambres, construites dans les tours toujours debout le long de la Seine étaient bien moroses. Les embellissements qu’en l’an de grâce 1294, où se place notre récit, Enguerrand de Marigny venait d’achever, ne parvenaient pas à le rendre plus attrayant.

Dans ce palais, un soir de décembre, une jeune femme de vingt et un ans rêvait mélancoliquement tandis que la neige tombait dehors. Assise sur un haut fauteuil de bois armorié chargé de coussins, cette jeune femme se chauffait frileusement devant un grand feu qui crépitait dans une immense cheminée à hotte, et qui donnait presque autant de fumée que de chaleur.

Son délicat profil était éclairé par la flamme et sur son beau front penché on lisait l’ennui et la tristesse.

Assourdi par la neige, on entendait là haut sur le chemin de ronde le pas pesant des hommes d’armes et le cliquetis de leur harnachement. Une voix à intervalles réguliers s’élevait : « Sentinelle, prenez garde à vous ! » et du sommet d’une autre tour venait atténuée la réponse : « Rien ne bouge ».

Il n’y avait point d’autre lumière dans la salle basse que le feu de la cheminée qui laissait apercevoir la silhouette de trois jeunes filles et d’une femme plus âgée assises sur des tabourets autour du grand fauteuil armorié. Elles se taisaient et attendaient que celle qui était évidemment la maîtresse daignât ouvrir la bouche, mais elle restait plongée dans ses pensées.

Cette jeune femme si mélancolique n’était autre que Jeanne de Navarre, comtesse palatine de Champagne et de Brie, Reine de France.

Il était évident que ses pensées allaient à son époux Philippe dit le Bel qui portait bien son nom car il était le plus beau chevalier de son royaume. Il était actuellement à la guerre en Espagne et la jeune Reine songeait que l’amour d’un mari tendrement adoré est chose bien fragile.

Au bout d’un instant, elle rompit le silence pesant, mais c’était pour redire ce qu’elle avait dit vingt fois.

- Ne croyez-vous pas, ma bonne Géraldine, que le Roi eût pu, s’il ,l’avait voulu, revenir passer près de moi les fêtes de la Nativité ?

La plus âgée des dames d’honneur répéta sa même réponse :

- Le Roi reviendra certainement dès qu’il le pourra.

- Est-ce si certain ?

- La Reine ne connaît-elle pas l’amour que lui porte son royal époux ?

- Peut-on jamais savoir les sentiments d’un homme, fût-il le meilleur ?

La dame d’honneur prit un ton confidentiel :

- Il y a un moyen de s’attacher à jamais l’amour d’un être cher.

- Ah ! dit la Reine soudain intéressée et se redressant sur son fauteuil.

- Et quel est ce moyen ?

- Je ne le connais pas, dit dame Géraldine, mais quelqu’un possède ce secret.

- Et qui donc ?

- La mère Noémie.

- La sorcière qui disait aujourd’hui la bonne aventure aux hommes d’armes dans la cour du palais ?

- Elle-même.

- Et je pourrais savoir son secret ?

- Demain sans doute...

- Non, ma bonne Géraldine, pas demain, tout de suite, dit la Reine impérieuse. Tout de suite, il n’y a pas de temps à perdre. Tu sais où elle habite ?

- Dans une masure de l’île. Les gardes la connaissent bien.

- Qu’on aille me la chercher.

- A cette heure... hasarda la dame d’honneur.

- Qu’importe l’heure ? Je veux qu’elle vienne sur le champ.

On ne désobéit pas aux ordres d’une Reine qui dit : « Je veux ». La bonne dame Géraldine se leva et sortit de la pièce. Le silence retomba. Des minutes passèrent. La Reine agitée regardait de temps à autre vers la portière, puis elle reprenait sa rêverie.

Enfin la tenture se releva et dame Géraldine rentra, poussant devant elle un paquet informe de chiffons d’où, sortait une tête grisonnante et encapuchonnée. De la neige brillait sur le capuchon. Un bâton semblait tenir le tout en équilibre.

- Voici la mère Noémie, annonça la dame d’honneur.

- N’ayez aucune crainte, dit la Reine, s’adressant à la sorcière, approchez-vous du feu. Dites-moi : Vous savez, paraît-il, des secrets qui assurent l’amour d’un époux pour son épouse ? Je veux les connaître.

Les yeux chassieux de la vieille se levaient sur la beauté de Jeanne. Sa voix avait le son de la crécelle qui le Vendredi Saint appelle les fidèles à la messe des Présanctifiés.

- Vous avez ; belle dame, les plus précieux des talismans, la jeunesse et la beauté.

On eût cru que la crécelle ricanait. Savait-elle qu’elle parlait à la Reine de France ? On ne pouvait pas deviner jusqu’où allait et où s’arrêtait sa connais­sance des choses de la terre.

La Reine dissimula son impatience, et de crainte d’effaroucher la vieille, lui parla avec bienveillance, car aucune puissance au monde ne peut forcer une sorcière à dire un secret.

- Bonne femme, cela ne suffit pas toujours. Combien de belles épouses sont délaissées.

- On n’attache ni les hommes ni les anguilles.
Revenir en haut Aller en bas
https://bibliothequerrs.forumsactifs.com/index.htm
Valdoise Châtillon

Valdoise Châtillon


Messages : 713
Date d'inscription : 12/05/2008
Age : 31
Localisation : RP: au cieux

[Contes] La croix catelan Empty
MessageSujet: Re: [Contes] La croix catelan   [Contes] La croix catelan EmptySam 22 Aoû - 18:48

Jeanne avait envie de faire jeter au cachot cette vieille édentée impertinente, qui, cet après-midi pour quelque menue monnaie répondait si complaisamment aux hommes d’armes, et qui ce soir paraissait la narguer, elle, la Reine. Mais en la brusquant ne risquait-on pas qu’elle ne donnât quelque maléfice allant à l’encontre du but poursuivi et éloignant définitivement le coeur du Roi ? La jeune Reine se fit encore plus douce.

- Mère, je te donnerai pour ton secret dix agnels d’or et tu seras ainsi à l’abri du besoin.

- Garde tes pièces d’or que ton époux donne au peuple à faux poids, je n’accepterai qu’un denier d’argent. Qu’il s’agisse d’une reine ou d’une paysanne mes secrets sont les mêmes, car c’est le même coeur qui bat dans toutes les poitrines ; je les vends donc le même prix.

- Soit, dit la Reine, dominant son énervement, mais si ton secret est bon, souviens-toi que tu n’auras pas obligé une ingrate.

- Ta ! ta ! ta ! dit la sorcière, combien j’en ni entendu de ces promesses ! Que l’on me paie d’abord.

Dame Géraldine tendit la pièce d’argent à la mère Noémie qui la mordit de ses gencives et l’enfouit en quelque coin de ses haillons.

- Maintenant, je vais parler, mais à toi seule. Fais écarter tes suivantes.

Malgré leur curiosité, sur un signe de darne Géraldine, les filles d’honneur s’en furent avec celle-ci dans le coin le plus reculé de la salle. Alors la mère Noémie se leva, elle s’approcha tout près de la Reine et de son horrible bouche sortirent ces mots :

La nuit où Jésus s’incarna
Quand douzième heure sonnera
Coeur pur au bois s’en ira
Seul et sans armes il sera.
Clochettes d’hiver cueillera
Trois brins et pas un au-delà
Dans sa dextre les gardera
Et dans sa senestre tiendra
Image de qui on voudra
Garder le coeur in oeterna.


A mesure qu’elle parlait, Jeanne répétait ces mots. Elle eut souhaité quelque explication.

- Mère, qu’entends-tu par coeur pur ?

Mais la vieille, sans ajouter une parole, avait tourné sur ses talons, et n’attendant pas que dame Géraldine la reconduisît, elle avait disparu derrière la portière. On entendait les flocs, flocs de son bâton s’éloigner dans les couloirs du palais.

Curieuses, les femmes s’étaient rapprochées de la Reine. Celle-ci leur répéta mot pour mot les paroles de la sorcière. Avide, chacune les commentait. Leur sens était assez clair, sauf en ce qui concernait le « coeur pur ».

- J’irai, dit la Reine. La prochaine nuit est la nuit de Noël. Quel coeur est plus pur que le mien ?

Puis ayant soudain un scrupule :

- D’ailleurs ne dois-je pas me confesser avant la fête ?

- La Reine y songe-t-elle ? s’exclama dame Géral­dine. Aller seule la nuit au bois ! Car il est dit : « Seul et sans armes il sera » ! Le bois n’est déjà pas sûr le jour. Du reste le sire de Saint-Paul qui commande le palais ne le tolèrerait jamais. Il est responsable devant le Roi de la sûreté de la Reine.

C’était vrai. On a beau être Reine de France on ne fait pas tout ce que l’on veut. On passa en revue tous ceux que l’on connaissait au palais et personne ne semblait digne d’une telle mission.

En tremblant, les filles d’honneur s’étaient proposées. Elles éprouvèrent un soulagement à voir leur offre repoussée.

Il ne fallait songer à aucun clerc, qui ne saurait se prêter à cet acte de sorcellerie. M. de Saint-Paul, vieux guerrier perclus de rhumatismes, refuserait sous prétexte de sa mission à remplir. Le jeune sire de Beauverger, fraîchement arrivé de ses montagnes d’Auvergne pour commander les archers du palais, accepterait certainement, on voyait à ses yeux qu’il était prêt à tout pour complaire à sa belle souveraine, mais on n’était guère sûr de la pureté de son coeur.

On tergiversait : Raoul de Nesles était trop bavard, Nogaret ou quelqu’autre des légistes qui encombraient le palais, trop prudents. Alors qui ?

A ce moment s’éleva de la salle des gardes voisine, où se tenaient d’habitude les pages de service, le son grêle d’une guitare qui bientôt accompagna une voix fraîche comme une voix de femme. On distinguait maintenant dans le silence du palais endormi les paroles de la chanson :

Odile m’offrit un baiser,
Luce une rose joliette,
Rose sa main à embrasser,
Un ruban la tendre Jeannette.

Pour un autre, garde ta main,
Toi, ton ruban et toi, ta rose,
Toi, la caresse de satin
De ta bouche fraîche éclose.

Celle que j’aime ne m’offrit
Ni un baiser, ni une rose,
Mais chaque jour son doux souris
Sur moi un instant se repose.

De l’amour je n’ai que tourment
Mais j’y tiens bien plus qu’à la vie,
Je n’ose penser seulement
Son nom... et lorsque je la prie
En rêve je dis simplement :
J’aime ma mie !
J’aime ma mie !


Les femmes restaient rêveuses.

- Guillaume Catelan, le troubadour, dit à mi-voix une fille d’honneur.

- A qui va sa chanson ? demanda Agnès la plus jeune.

- Ce n’est pas difficile à deviner, murmura la troisième en coulant vers la Reine un regard significatif.

Jeanne avait entendu la question d’Agnès :

- C’est son secret, dit-elle. Elle songea encore un instant, puis comme pour elle seule soupira : « Un coeur pur ». Sa voix se raffermit :

- Vous pouvez vous retirer sauf dame Géraldine qui ira me quérir messire Guillaume Catelan à qui je désire parler.

Chacune obéit. Dame Géraldine revint quelques instants après, suivie de Guillaume.

La dame d’honneur, sur un signe de sa maîtresse, s’était retirée dans le fond de la salle, car il n’eut pas été séant que la Reine restât seule avec un page. Celui-ci, un gracieux jeune homme de dix-sept ans à peine, blond et rose encore comme un enfant et plus rose encore d’émotion, se tenait incliné devant sa souveraine, attendant ses ordres. Elle le contemplait avec attention. « Oui certes, pensait-elle, un coeur pur ». Doucement elle parla :

- Etes-vous prêt à exécuter tous mes ordres à la lettre, sans les discuter?

- Vous êtes la Reine, dit le page.
Revenir en haut Aller en bas
https://bibliothequerrs.forumsactifs.com/index.htm
Valdoise Châtillon

Valdoise Châtillon


Messages : 713
Date d'inscription : 12/05/2008
Age : 31
Localisation : RP: au cieux

[Contes] La croix catelan Empty
MessageSujet: Re: [Contes] La croix catelan   [Contes] La croix catelan EmptySam 22 Aoû - 18:48

- Demain soir, veille de la Nativité, vous irez seul et sans armes dans la forêt de Rouvray, là au douzième coup de minuit vous y cueillerez de la main droite trois brins de clochettes d’hiver que vous me rapporterez secrètement. Dans votre main gauche vous tiendrez un portrait...

La Reine s’arrêta. Haletant, le page écoutait, cherchant à deviner, à savoir. Est-ce que par hasard ?..

- Je n’ai pas de portrait, soupira la Reine. A cela je n’avais pas songé.

Le coeur du page battait plus fort. Mais la Reine eut un geste joyeux. A sa ceinture pendait une escarcelle, elle en tira un angelot d’or. Sur une face un ange y supportait l’écu de France, sur l’autre Philippe le Bel trônait dans ses habits royaux. C’était une de ces monnaies que le Roi, à court d’argent, avait falsifiées, disait-on, mais bast ! n’était-ce pas un portrait ?

La Reine tendit la pièce au troubadour.

- L’image, expliqua-t-elle.

- Le Roi, balbutia le page.

La Reine vit son trouble, elle sourit.

- Et qui cela pourrait-il être ? Vous irez ?

- J’irai.

Alors Jeanne tendit sa main. Guillaume se jetant à ses genoux baisa dévotement les doigts de la Reine : comme elle était penchée sur lui elle posa ses lèvres sur son front. Tout pâle, malgré le reflet du feu rougeoyant, le page se relevait. Vivement Jeanne détacha le ruban qui retenait ses cheveux et le tendit au troubadour :

- Vous ne pourrez plus chanter votre chanson, dit­-elle très vite.


Après une profonde révérence Guillaume Catelan quitta la présence de la Reine.

Les cloches du couvent de Longchamp appelaient les nonnes à célébrer Noël, l’événement que l’on allait commémorer dans quelques instants. Ce bruit harmonieux seul rompait le silence de la grande forêt de Rouvray dont un fragment forme maintenant le bois de Boulogne. La neige était tombée très dru ces jours derniers et partout étendait son linceul blanc. Les bêtes sauvages, réfugiées dans leur tanière, semblaient respecter cette trêve de Dieu.

Mais les hommes ne sont-ils pas plus cruels que les loups ? A un quart de lieue du couvent vivaient dans une hutte sordide deux frères : Ogier et Antoine. De leur état ils étaient bûcherons, mais il était bien rare de leur voir abattre des arbres et pourtant les gens qui connaissaient la forêt savaient que dans leur taudis, des semaines entières, les deux frères faisaient ripaille. D’autres fois, ils s’en remettaient à la charité du couvent de Longchamp pour obtenir une miche de pain.

Sauf la soeur tourière aux jours de disette et un mauvais traiteur de Suresnes en temps d’abondance, les deux frères ne voyaient personne. Les autres bû­cherons les fuyaient.

Or, ce soir de Noël, Ogier et Antoine avaient quitté leur repaire. Ils ne se rendaient pas à la messe de minuit, bien moins allaient-ils abattre quelque rouvre à cette heure tardive, encore qu’ils se fussent munis de leurs haches.

Près du chemin creux qui, venant de Longchamp va vers Paris en passant par les villages d’Auteuil, de Passy et de Chaillot, les, hommes s’arrêtèrent.

- Minuit n’a pas encore sonné, dit Ogier.

- Deux heures à attendre, grogna Antoine.

- La prise vaut la peine.

Celui qu’ils attendaient n’était ni un cerf, ni un chevreuil, mais un riche marchand drapier dont la fille était religieuse au couvent et qui avait obtenu l’autorisation d’aller y assister à l’office nocturne. Il devait repasser par là après la messe et...

Mais qui va là ?

Un homme mince, svelte, presque un enfant, arrive, venant de Paris. On l’entend à peine marcher, la neige étouffe ses pas légers. Ogier et Antoine retiennent leur souffle. On dirait un seigneur. Nulle épée pourtant ne relève le bas de son long manteau.

- L’imprudent, se dit à lui-même Antoine avec un ricanement féroce.

Le jeune homme passe près des malandrins cachés derrière des arbres, il chante tout bas pour lui-même :

En rêve je dis simplement
J’aime ma mie.
J’aime ma mie.

- Il fait bien de chanter maintenant, songe Ogier.

Pourquoi le jeune homme quitte-t-il le chemin ? Il va vers une clairière. Là, la neige semble moins lisse, elle est soulevée par endroits et des toutes petites taches mouchettent sous la clarté de la lune le tapis blanc.

- Des clochettes d’hiver, souffle Ogier.

- Des fleurs pour son propre enterrement.

L’air à vibré. Au clocher du couvent sonne le premier coup de minuit. Lentement le tintement se répète. Le jeune homme s’est courbé vers le sol. Il a ouvert la main gauche. Les bandits y ont vu un reflet d’or... Il se penche plus bas et quand se détache le dernier des douze coups, de sa main droite il cueille trois brins de fleurettes.

On a trouvé dans une clairière de la forêt de Rouvray le cadavre d’un page de la Reine, Guillaume Catelan, le troubadour. Dans sa main droite étaient trois brins de clochettes d’hiver, sa main gauche vide était grande ouverte, à son poignet était apparu un ruban noué en manière de bracelet, ce ruban était aux couleurs de la Reine. Sans doute en se jouant, l’avait-il un jour ramassé...

Ce soir-là, à la veillée, ni la Reine ni ses suivantes ne prononcèrent une parole. Le prévôt de police mena une enquête, on arrêta quelques mauvais drôles que l’on dut relâcher, tant ils purent fournir de bonnes preuves que le soir de Noël ils étaient loin de la forêt de Rouvray.

Un marchand drapier, en revenant cette même nuit du couvent de Longchamp, était passé tout près du lieu du crime. Il n’avait rien remarqué, ni les domestiques qui l’escortaient car au dernier moment il avait jugé plus prudent de ne pas voyager seul dans de si lointains parages n’avaient rien vu non plus.

Les archers bientôt cessèrent leurs rondes dans la forêt. Et l’oubli se fit.


Un cabaret borgne près du fleuve à Suresnes, dans la salle basse à l’air poisseux des vapeurs du vin chaud à la cannelle. Des hommes causent, les coudes sur la table.

Un voyageur boit un dernier coup pour se donner du coeur, il trinque avec le batelier qui doit lui faire franchir la Seine. Il faut qu’il soit à la foire d’Auteuil dès l’aube et la traversée de la forêt de Rouvray l’épouvante. Ne parle-t-on pas de crimes commis dans la profondeur de ces bois ? Tout dernièrement on y a tué un page de la Reine.

Le passeur veut le rassurer :

- Les coupe-jarrets savent à qui ils ont affaire. Ils ne vont pas s’attarder à un pauvre marchand forain qui n’a que de vulgaires marchandises difficiles à écouler. Un page de la Reine a une bourse bien garnie, chacun sait ça.

Deux hommes un peu plus loin vident un quatrième bol de vin chaud.

- Antoine, dit le premier, tu entends ce que dit ce maraud ?

- Il fait croire à ce courtaud de boutique que le page de la nuit de Noël avait une bourse bien garnie ! Antoine et Ogier très ivres s’esclaffent bruyamment. Un grand gaillard chaussé de grosses bottes s’approche des deux frères comme pour prendre part à leur gaîté.

- N’avait-il pas une bourse bien garnie ? interroge­t-il négligemment.

- Ah ! compère, glapit Ogier, il avait en tout et pour tout sur lui une petite pièce d’or... et encore elle était fausse !

Les conversations s’arrêtent un instant. Comment ces hommes en savent-ils si long sur un crime commis à minuit dans une forêt solitaire ? Le gaillard aux grosses bottes sort.

Le lendemain, par ordre du prévôt de police, Ogier et Antoine étaient pendus haut et court.

Quelques mois ont passé, le Roi est revenu d’Espagne. .

Un jour d’été un messager se présente au couvent de Longchamp et demande à parler à la mère abbesse, « d’ordre de la Reine ». Il est reçu et longuement confère avec elle.

Dès le lendemain au bord du chemin creux qui va vers Paris, dans une clairière fleurie, des ouvriers venus d’un couvent élèvent une croix de pierre.

Les voyageurs passant devant cette croix se signent. Ils disent une prière pour l’âme de Guillaume Catelan, troubadour, page de la Reine, qui une nuit de Noël a trouvé ici la mort en cueillant des fleurs.

Citation:
La Croix Catelan est toujours debout à l’entrée d’un bel enclos tracé au centre du bois de Boulogne, et enclos s’appelle le Pré Catelan.
[Source: http://forum.lesroyaumes.com/viewtopic.php?t=176585&postdays=0&post…]
Revenir en haut Aller en bas
https://bibliothequerrs.forumsactifs.com/index.htm
Contenu sponsorisé





[Contes] La croix catelan Empty
MessageSujet: Re: [Contes] La croix catelan   [Contes] La croix catelan Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
[Contes] La croix catelan
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» [Contes] L'or de Minuit
» [Contes] L'enfant de neige

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Bibliothèque du Monde :: La Bibliothèque :: Ouvrages de contes et merveille-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser